En août 2009, j'ai écrit 5 nouvelles.
En voici le 5e et dernier volet :
Le matin, poser le premier pied sur la carpette de lit après une énième mauvaise nuit est une épreuve. Se faire apostropher par son mari en est une autre. Non content que je suis passablement ensuquée. Mais ce qui allait suivre n’était pas annoncé sur le programme de ma journée.
Alain, mon beau-frère, le mari de Désirée vient de téléphoner, complètement affolé. Ma sœur est à l’hôpital. Je ne réalise pas encore la gravité des faits. Désirée a reçu plusieurs coups de couteau dans l’abdomen à la sortie du collège. Un fou furieux lui a sauté dessus et l’a sauvagement poignardée. Son état est jugé sérieux et préoccupant. Elle est actuellement au bloc opératoire. Je n’ai pas une minute à perdre. Il faut que je saute dans le premier train pour me rendre à Annecy.
Pourtant depuis ce coup de fil assommoir, je tourne en rond dans la cuisine, j’arpente les douze mètres carrés comme un automate, le dos raide, les bras croisés, les jambes cotonneuses et les mâchoires crispées. Je suis sous le choc. J’imagine ma pauvre Désirée baignant dans son sang sur le bord d’un trottoir. Ma pauvre tête va exploser. Mon cher et tendre au lieu de me réconforter ne fait rien non plus pour me remonter le moral :
- Tu ferais mieux de te dépêcher de déguerpir. Si elle est entre la vie et la mort !
- Tais-toi Loup pour l’amour du ciel ! Ne parle pas de malheur ! Je suis déjà assez choquée ! Ce n’est pas la peine d’en rajouter !
- Sans être alarmiste, il ne faut pas te voiler la face. Ses blessures sont graves. Alain te l’a dit. Elle risque de mourir.
- Et mes parents tu y as pensé ? Ils sont âgés et pas en très bonne santé. Mon dieu non ! Faîtes qu’il n’arrive rien à ma petite sœur !
- Ta petite sœur n’est pas autrement faite que les autres ; elle est de chair et de sang…
- Ce n’est pas possible Loup ! Comment tu peux me parler de la sorte ? Bien sûr, il ne s’agit pas de ta sœur à toi. Et puis tu ne l’as jamais trop portée dans ton cœur, Désirée. De toute façon, tout le monde le sait, tu as un cœur de pierre.
- Non Vitalie, je suis réaliste c’est tout. Nous sommes tous mortels et quand c’est l’heure de son dernier rendez-vous, il faut s’y rendre. On n’a pas vraiment le choix.
- Puisque c’est ainsi, je m’en vais… Surtout ne m’accompagne pas, je n’ai pas besoin de toi pour trouver mon chemin. Je vais appeler un taxi pour aller à la gare.
- Comme il te plaira. Bon voyage.
- Je m’en fiche pas mal de tes vœux de bon voyage. C’est tout de même malheureux de n’avoir aucun soutien de ta part. Je serais seule que ce ne serait pas pire.
- Oui, mais voilà, Vitalie tu n’es pas seule…
- Et mal accompagnée. Que reste-t-il de nos amours d’antan ?
- Rien. Tu me supportes et je te supporte.
- Ce n’est pas nouveau. Le disque est rayé depuis longtemps. Au fait, je prends mon chat. Tu serais bien capable de lui faire des misères durant mon absence.
- Excellente idée, si tu ne veux pas qu’il finisse découpé en morceaux et cuisiné en civet.
- Quelle horreur ! Mon Sybil en civet ! Pas étonnant qu’il ne t’aime pas.
- Je ne l’aime pas non plus, je te rassure.
- Tu es un monstre, Loup !
- Je suis un loup, c’est tout.
- Les vrais loups sont moins féroces que toi !
- Sauf quand ils ont faim. Alors débarrasse-moi de ton gros minet avant qu’il ne soit trop tard. Je ne m’appelle pas Titi.
- Je ne vais pas me faire prier. Je prends mes cliques et mes claques. Je pars.
- Prends ton temps, ne reviens pas trop vite. Je vais profiter de ces quelques jours de vacances inespérées pour faire du rangement. La maison est un véritable capharnaüm.
- Prends bien soin de ton actimètre. Ne va pas piquer du nez dans mes rosiers…
- Je n’ai nullement l’intention de me retrouver le visage boursouflé ! Des épines, j’en ai assez caressé…
- Pauvre chou !
- Et encore moins d’avoir le nez en chou-fleur…
- Non, déjà qu’il ressemble à une patate…
- Allez, Vitalie, fais-moi plaisir, fiche-moi le camp avant que je te saute à la gorge. J’ai des envies de mordre à t’entendre énumérer tes balivernes de basse classe.
De guerre lasse, je choisis de me taire et de prendre mes jambes à mon cou…
Je suis éreintée, lasse de devoir toujours me plier à ses directives… Je voudrais tant me confier à quelqu’un. Mais à qui ? Ma petite Désirée ne sera peut-être plus en état pour écouter mes lamentations. « Je t’en supplie, sœurette, ne meurs pas ! »
Le temps de boucler ma valise en quatrième vitesse, d’attraper mon Sybil qui me fait les gros yeux et je suis en partance pour Annecy.
Retrouvez ma Vitalie illustrée chez Chantaloup
Elle est irrésistiblement drôle !
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